Yvan Hamel auteur

Yvan Hamel auteur

Extrait --- Mitose

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(page 20)

 

— Je ne comprends pas, conclus-je en déposant le papier sur le bureau devant moi. Je ne me souviens même plus de cette patiente.

 

— En tout cas, elle, elle se souvient de toi ! Mais veux-tu bien me dire ce qui t’a pris, nom de Dieu ? Ne t’a-t-on pas enseigné l’éthique professionnelle dans tes cours ?

 

— C’est un malentendu, c’est tout. Je te répète que je ne sais pas qui est cette femme ! Comment elle s’appelle, au fait ?

 

— Tu as intérêt à l’apprendre et à le retenir, ce nom ! Car tu vas lui adresser un mot d’excuse sur-le-champ ! Non, mais c’est un comble ! C’est la première fois qu’un événement semblable survient dans ma clinique. J’ai tellement honte !

 

J’étais assis en face de mon père, dans son bureau personnel de sa luxueuse demeure de Westmount, où il m’avait fait venir en panique une demi-heure plus tôt. Son émoi était causé par une lettre reçue la veille. Une cliente se plaignait d’attouchements indécents de ma part lors d’une visite de consultation qui s’était déroulée la semaine précédente. Et elle nous menaçait de poursuites judiciaires.

 

— Mais bien sûr que je m’excuserai ! Puisque je te dis qu’il s’agit d’un malentendu ! Elle a quel âge, au juste ?

 

— Heu… Dans la cinquantaine, je crois. Mais quel rapport avec le propos qui nous occupe ? Peu importe, son âge !

 

— Dans la cinquantaine ? Pff ! Voilà bien la preuve qu’il ne s’est rien passé de la sorte ! Jamais je n’aurais porté mes mains sur une vieille bonne femme de cet âge-là…

 

— Il suffit, Mateo ! Tu dépasses les bornes ! Je t’ordonne de montrer du respect envers notre clientèle !

 

Mon père, Bernard Bastien, s’était levé d’un bond, indigné, le visage rubicond. Je baissai la tête en prenant conscience de mes paroles. Un long silence suivit cette sortie pendant lequel je ne rajoutai plus rien, tandis que mon paternel tentait de recouvrer le contrôle de sa respiration.

 

Il se rassit finalement au bout d’une interminable minute. Il semblait extrêmement las.

 

— Je suis très déçu, finit-il par reprendre. J’ai fondé cette clinique voilà plus de trente ans maintenant, à la sueur de mon front. J’y ai attiré deux chirurgiens de renom. J’avais réussi à lui établir une solide réputation d’excellence, et surtout une réputation sans taches. Et voilà que la personne à qui je pensais léguer ma part est en train de tout gâcher. Et voilà que cette personne est mon propre fils.

 

— Je ne saisis pas, osai-je encore intervenir. Pourquoi fais-tu tout un plat avec cette lettre, tout à coup ? Nous sommes pourtant habitués de régler des plaintes et…

 

— C’est la première fois que nous faisons face à une accusation de ce genre ! Tu le fais exprès ou quoi, pour ne pas voir la gravité ? Il n’est pas ici question de résultats ne répondant pas aux attentes de la clientèle ! On parle d’attouchements indécents de la part d’un médecin ! Tu ne comprends donc rien ? Nous risquons rien de moins que l’avenir de la clinique !

 

— Mais puisque je t’affirme que c’est un malentendu. Je la rencontrerai, cette femme, et je…

 

— Non ! Tu te contenteras de lui écrire un mot d’excuse. Pour le reste, je discuterai moi-même avec elle et j’essaierai de réparer tes dégâts. Je dois aussi tenter de calmer mes deux associés qui sont déjà au courant. Quelle merde ! Mais quelle merde, nom de Dieu !

 

— Mais je peux très bien régler moi-même cette…

 

— Laisse tomber, que je te dis ! Et fais bien attention à ton comportement à partir d’aujourd’hui ! Car je ne tolérerai plus jamais qu’une telle chose se reproduise, tu m’entends ?

 

— Mais je ne peux tout de même pas examiner mes patientes à travers le tissu de leurs vêtements !

 

Plutôt que de s’emporter, il émit cette fois un énorme soupir de découragement.

 

— Tu n’as pas la maturité pour exercer cette profession, poursuivit-il comme s’il se parlait maintenant à lui-même. Alors, imagine de gérer une clinique. Tout ça a été une monumentale erreur de ma part. Toute cette énergie investie en pure perte. Quel gâchis !

 

Il y eut encore un long silence. Je me retenais de laisser libre cours à ma propre indignation, mais je me contins afin de ne rien prononcer d’inconsidéré. Mon père avait le gros bout du bâton. S’il décidait de fermer les cordons de la bourse, je me retrouverais dans un fichu pétrin.

 

— Qu’est-ce que tu me reproches, au juste, osai-je au moins lui demander – doucement. Je suis pourtant un bon chirurgien, non ?

 

— Tes compétences ne sont pas en cause. Tu es un excellent chirurgien, en effet. Et c’est bien cela qui est dommage, du fait que tu bousilles tout à cause de ton manque total de maturité. Tu as presque trente-deux ans et tu te comportes comme un adolescent moyen. C’est pathétique. J’ai toujours hésité à intervenir plus énergiquement à ton égard, car je conservais l’espoir que tu finirais par te remettre toi-même du plomb dans la tête. Mais force m’est d’admettre que je me suis trompé. Tu n’es qu’un ado gâté, et tu ne changeras probablement jamais. Et pendant ce temps-là, la réputation de la clinique risque d’être ternie à jamais. Mes associés ne l’accepteront pas. Ils ont d’ailleurs déjà commencé à m’en parler.

 

— Te parler de quoi ?

 

— De tes frasques. Ils menacent de se retirer si je laisse aller les choses sans bouger.

 

— Je n’ai jamais rien entendu de la sorte. Je discutais justement avec Gérard, hier, et il ne m’a jamais…

 

— Et le pire, c’est que tu ne sembles même pas avoir conscience de ce qui se passe ici, dans ce bureau, en ce moment…

 

Je respirai un grand coup. Je venais effectivement de saisir en une fraction de seconde qu’il se jouait quelque chose de crucial, en cet instant, me concernant. Et mon cœur se mit à battre de façon accélérée.

 

— J’ai peur de trop comprendre, au contraire, réussis-je à prononcer en ravalant ma salive. On dirait que tu songes à me virer.

 

— Je suis en effet dans une très sérieuse période de questionnements. Je ne peux pas courir le risque que tu fasses couler cette entreprise. Et je dois rendre des comptes à deux associés. Mais congédier son propre fils exige une bonne dose de courage. Et admettre que tous les efforts que j’ai investis en toi n’ont rien donné, représente un constat d’échec extrêmement difficile à accepter. Mais est-ce que j’ai le choix ?

 

L’atmosphère de la pièce devint de plus en plus funèbre au fur et à mesure qu’il parlait. Je saisissais maintenant, oui, parfaitement la gravité de ce qui était en train de se passer. Je comprenais également que si je ne disais pas quelque chose pour le rassurer, là, à l’instant, mon avenir à la Clinique de l’esthétisme prendrait peut-être fin dans la minute suivante.

 

Mon cerveau se mit alors à réfléchir à cent à l’heure. Si cette perspective survenait, je me débrouillerais possiblement par moi-même, en fondant éventuellement ma propre clinique. Mais le temps nécessaire à monter une nouvelle clientèle m’obligerait à revoir mes dépenses considérablement à la baisse ; à me départir de ma voiture et de ma maison, entre autres. Ce qui serait absolument catastrophique, car les parts de mon père dans cette entreprise m’avaient toujours été promises sur un plateau d’argent. Et ce serait d’autant plus con que je possédais réellement les compétences pour y poursuivre une brillante carrière.

 

L’heure de faire amende honorable avait sans doute sonné. Les conséquences à affronter, si je ne me soumettais pas, étaient trop effroyables.

 

— Comment vois-tu les choses pour que je corrige la situation ? lui demandai-je finalement dans un souffle.

 

— Il faudrait que tu changes du tout au tout, rien de moins.

 

— Changer dans quel sens ?

 

— Changer dans le sens de devenir enfin un adulte responsable.

 

— Et qu’est-ce que ça signifie, ça, être un adulte responsable ? C’est adopter le genre de vie que mène Cristina, je suppose ?

 

Cristina, ma sœur aînée, correspondait en effet à l’archétype de la réussite du point de vue des attentes paternelles : cardiologue établie ; mariée à un ophtalmologiste depuis cinq ans ; deux enfants ; une maison à Lorraine ; une piscine de dimensions olympiques creusée sur leur immense propriété ; et une villa à Nantucket où ils passaient leurs vacances annuelles, toute la famille ensemble. Une existence bourgeoise merveilleusement aboutie. Ma sœur était de la même trempe que notre père, en fait. Elle avait d’ailleurs toujours été sa chouchoute d’aussi loin que je me souvenais.

 

— Puisque tu en parles toi-même, sache que Cristina représente précisément le modèle que tu devrais devenir si tu voulais conserver ta place dans cette clinique. Tu constates donc toi-même que c’est une mission impossible.

 

◊◊◊

 

Un total découragement m’avait envahi pendant que je conduisais ma voiture sans avoir conscience de mon environnement. C’est que ma vie venait d’emprunter un virage à cent quatre-vingts degrés en l’espace de quelques heures dramatiques. Je ne m’étais aucunement attendu à cela, ce matin-là, lorsque je m’étais réveillé dans le lit de Claudette Jetté, cette femme avec qui j’avais dormi par dépit.

 

Je m’apprêtais alors à passer une journée peinarde, comme d’habitude. Mon programme du jour consistait à régler quelques dossiers à la clinique, à retourner chez moi, à m’asseoir sur une chaise flottante dans ma piscine creusée, et à déguster un scotch tout en parcourant l’inventaire de mon harem afin d’arrêter mon choix sur celle qui bénéficierait de ma générosité en cette soirée – et surtout en cette nuit – de samedi.

 

Mais voilà que cet horaire avait été complètement chamboulé. Et chamboulé étant un euphémisme.

 

Tout cela à cause d’une malheureuse lettre de plainte…

 

Des attouchements sexuels, moi ! Il est vrai que je me rinçais quelquefois l’œil avec le corps de certaines jeunes femmes – et j’insiste sur le mot « jeunes » – qui se retrouvaient dans mon cabinet. Ben quoi ? N’importe qui à ma place joindrait l’utile à l’agréable dans le cadre de son boulot. Il n’y avait toutefois rien là d’inconvenant pourvu, évidemment, que tout cela demeure dans des limites strictement professionnelles. Et pendant ce temps-là, ce qui se passait dans ma tête ne dérangeait personne. Et puis, les femmes qui venaient me rencontrer pour que je rénove leurs seins ou pour que je remodèle leurs fesses acceptaient d’ailleurs tacitement que je m’assure visuellement du travail à effectuer – c’était obligatoire. Et elles toléraient également que je procède à quelques manipulations de circonstance – obligatoire, ça aussi.

 

Alors quoi ?

 

Alors, de deux choses l’une. Ou bien cette femme avait fabulé en prenant mes gestes de nature médicale pour des attouchements sexuels. Pff ! Non, mais ! Une greluche de cinquante ans ! Je n’étais pas encore à ce point en manque pour me farcir les vieilles peaux de cet âge-là ! Il se pouvait en outre que cette hystérique ait flairé une occasion de s’enrichir en faisant chanter la clinique. Cela s’était déjà vu ailleurs, chez nos concurrents.

 

Quoi qu’il en soit, je n’avais rien à me reprocher, moi, personnellement dans cette histoire. Mais peu importait, j’étais maintenant dans de sales draps. Non pas à cause des menaces de cette cinglée. Mais bien parce que sa lettre avait exacerbé la colère de mon père. Et à un degré tel qu’il venait de me mettre officiellement au pied du mur par rapport à ses éternelles attentes : ou bien je rentrais dans le rang – socialement parlant –, ou bien j’étais viré.

 

Et si je me retrouvais à la rue, je devrais dans ce cas tenter ma chance en solitaire, en travaillant comme médecin ordinaire ou en démarrant ma propre clinique, avec tous les problèmes que cela engendrerait. Mais d’une façon ou de l’autre, j’aurais à restreindre considérablement mon niveau de vie ; ce que, franchement, je ne pouvais absolument pas envisager.

 

Ne restait que l’option de m’assagir. Et dire ainsi adieu à mon quotidien insouciant et – surtout – à mon harem.

 

Misère

 

Les dés étaient apparemment jetés. Pour ne pas être renié par mon père, et pour conserver mon droit sur toute cette fortune dont j’hériterais un jour – et dont je continuerais de jouir, d’une certaine manière, d’ici là –, je devrais en passer par les conditions qui m’étaient dictées ; c’est-à-dire en menant dorénavant une existence semblable à celle de ma sœur Cristina.

 

Et pour ce faire, il me faudrait éventuellement épouser une femme de mon âge, tranquille, polie, correcte, bien à sa place et offrant cette image de stabilité que mon père désirait tant que j’adopte. Si je donnais suite, je n’aurais pas à la chercher loin, par ailleurs, cette femme. Je n’aurais en effet qu’à jeter mon dévolu sur Claudette Jetté, que je venais tout juste de sauter la veille – et qui possédait au moins l’avantage de bien baiser.

 

Par un fabuleux concours de circonstances, j’avais justement commencé à considérer cette possibilité à peine quelques heures plus tôt. Le hasard avait bien fait les choses, en quelque sorte. Le ciel m’avait sans doute envoyé un message : un avertissement par rapport à ce qui se préparait, et par rapport à ce que je devais décider.

 

Je n’aurais pas grand-chose à faire, de toute façon : je n’aurais qu’à laisser mon père s’occuper de tous les détails. Et il avait d’ailleurs pris les devants sans attendre et sans me demander mon avis : déjà, le lendemain matin, dimanche, je devais participer à une activité sportive qui nous mettrait en contact une fois de plus, Claudette Jetté et moi. Mais dans les formes, cette fois, au vu et au su de tout le monde, et avec des chaperons.

 

Comme dans les vieux films italiens classiques.

 

◊◊◊

 

C’est ainsi que je me retrouvai le lendemain sur le tertre de départ du parcours bleu du très sélect club de golf Laval-sur-le-Lac. Outre de moi-même, mon foursome était constitué de mon père, Bernard Bastien, ainsi que de Claudette Jetté et du père de celle-ci, Pierre Jetté, un des dermatologues les plus cotés de Montréal.

 

Les deux aînés avaient planifié de jouer ensemble en cette matinée de dimanche. Et ils avaient tout à coup décidé d’inviter leurs deux enfants à se joindre à eux. Ce que ceux-ci avaient accepté avec plaisir, bien sûr. Claudette se réjouissait réellement, elle, de cette occasion. Il n’en allait évidemment pas de même pour moi qui considérais cette activité comme un passage obligé pour intégrer cette nouvelle existence qui deviendrait désormais la mienne.

 

Car je ferais dorénavant contre mauvaise fortune bon cœur. J’avais beaucoup réfléchi à ma situation depuis la veille, et j’en étais venu à la conclusion que je ne disposais d’aucune autre option que de me soumettre aux conditions de mon père. Une nuit blanche – et seul – m’avait permis d’analyser toutes les facettes de cette question, et de prendre une décision une bonne fois pour toutes : celle de rentrer dans le rang, oui, comme mon père le souhaitait. Je ne pouvais, en toute bonne foi, faire fi du patrimoine familial qui se trouvait à portée de ma main – et dont il m’était même autorisé de profiter jusqu’à un certain point dès maintenant. Cela aurait équivalu à un suicide.

 

Pour ce faire, je n’avais qu’à donner suite à ce forfait tout inclus : profession de chirurgien esthétique compétent et respectable, propriétaire-associé – éventuellement – de la désormais célèbre Clinique de l’esthétisme de Montréal, mariage pratiquement ficelé avec Claudette Jetté, vie de famille honorable, relations choisies au sein de la bonne société, enfants, cocktails, apparat. Et voilà.

 

Le reste m’appartenait en propre. En échange de ce package deal, je devrais entre autres laisser tomber cette existence sociale insouciante que j’avais menée jusqu’à présent. Le plus difficile, cependant, et je l’appréhendais déjà, consisterait à renoncer aux corps de toutes ces jeunes filles qui me seraient dorénavant refusés – tel celui de cette Patricia qui s’était jouée de moi, le vendredi soir précédent. Ainsi allaient les exigences de mon nouvel avenir.

 

Je n’avais toutefois pas été en mesure de me départir de ma liste de contacts sur mon téléphone portable. Je ne pouvais tout simplement pas me résoudre à accomplir ce geste. La date de mon mariage n’était pas encore fixée, tout de même ! Qui savait si quelques opportunités ne se surviendraient pas pour coucher avec l’une d’entre elles – en douce – d’ici là ? Et qui pouvait également prévoir comment évoluerait le cours des événements ? Et en quoi ce mariage m’empêcherait-il de mener éventuellement une vie extraconjugale avec l’une d’entre elles ? Ou même avec plusieurs ? Tout était envisageable. Mais d’une façon ou d’une autre, je n’ignorais pas que je souffrirais terriblement de ce manque de rencontres régulières avec ma marchandise habituelle.

 

Mais une chose à la fois, me ramenai-je à l’ordre pendant que j’attendais mon tour pour driver. Pour le moment, je devais jouer le jeu. Et cela signifiait de remplir quelques tâches essentielles durant les prochains mois : prouver à mon père que j’étais devenu un gentil garçon, me montrer charmant et prévenant envers Claudette – c’est-à-dire lui faire une cour assidue –, et impressionner le père de celle-ci de façon à ce qu’il soit convaincu que je représentais, moi, Mateo Bastien, le meilleur parti en ville pour sa fille. Ce qui ne devrait pas causer de problèmes, en principe.

 

Claudette frappa sa balle. À vue de nez, celle-ci parcourut une distance de près de cent quatre-vingts verges en ligne droite.

 

Pas mal pour une femme, me dis-je avec dérision. Elle possède toutes les vertus, ma foi. En plus de bien driver et de bien baiser, si elle fait bien la cuisine, dans ce cas, elle sera réellement bonne à marier

 

Je montai sur le tertre à mon tour. Ma balle tomba elle aussi en plein milieu du fairway, mais à plus de deux cents trente verges – j’étais moi-même un excellent golfeur. Je pris ensuite place dans la voiturette électrique aux côtés de Claudette. Et c’est parti pour un tour ! m’exclamai-je dans ma tête en lui esquissant mon plus beau sourire.

 

— Joli coup, me félicita-t-elle.

 

— Notre dernière nuit passée ensemble m’a donné des ailes, m’enhardis-je à lui lancer en lui piquant un clin d’œil complice.

 

— J’ai hâte qu’on se reprenne, me répondit-elle en me retournant mon sourire.

 

— Il se pourrait même que ce soit plus tôt que prévu. Tu as vu le ciel ? (De gros nuages noirs se profilaient en effet à l’horizon.) Il nous faudra sans doute faire demi-tour d’ici peu.

 

— Souhaitons que la pluie vienne dans notre direction, alors. Et vite !

 

◊◊◊

 

Si Claudette souhaitait que l’intempérie se pointe le bout du nez afin d’annuler rapidement cette joute, il n’en allait pas de même de nos pères respectifs. Ceux-ci s’entêtèrent à continuer malgré le fait de plus en plus évident que la pluie nous tomberait dessus dans un avenir à très court terme.

 

« — Ce n’est qu’un gros nuage noir », avait tenté de nous rassurer Pierre Jetté. « Nous n’aurons qu’à nous abriter quelque part le temps qu’il passe ».

 

Mais nous dûmes déclarer forfait lorsque, trois quarts d’heure plus tard, des éclairs se mirent à zébrer l’horizon.

 

— D’accord, se soumit enfin son père, sur l’insistance impérieuse de Claudette. Rentrons. Mais merde ! Je menais une si belle partie !

 

Nous avions frappé chacun notre coup de départ au parcours numéro quatre et nous étions presque rendus à l’endroit où nos balles étaient tombées. Nos pères décidèrent d’aller les chercher avant de faire demi-tour.

 

— Laissons tomber ces fichues balles, s’énerva Claudette.

 

Son père la taquina et n’en fit qu’à sa tête. Pour ne pas contrarier cet idiot, je continuai à conduire moi-même notre voiturette vers l’avant – vers l’intempérie, en fait.

 

— Ne t’inquiète pas, Claudette, tentai-je de la rassurer. Je récupère ces balles et je nous ramène vite fait au club house sans les attendre. Nous serons revenus à temps.

 

Un éclair fissura le ciel devant nous et un terrible fracas de tonnerre nous fit sursauter. Il ne pleuvait toujours pas, mais cela ne tarderait plus. Je jetai un coup d’œil sur les deux autres, sur notre droite. Le père de Claudette ne faisait pas mine d’abandonner. Décidément, il y tient à sa balle, celui-là, ma foi. Elle doit sûrement être plaquée or ! Je continuai moi aussi sur ma lancée – nous étions presque arrivés –, malgré les suppliques de Claudette.

 

Je stoppai le véhicule à côté d’une large trappe de sable afin de ramasser la balle de Claudette qui était tombée en plein milieu.

 

— Bon, lui dis-je. Encore deux secondes et on déguerpit.

 

Je descendis dans la trappe, je marchai sur une quinzaine de mètres, et je me penchai pour prendre la balle.

 

Le ciel me dégringola sur la tête juste au moment où je me relevais.

 

Et ce n’est pas une manière de parler.

 

Je ressentis tout d’abord un formidable courant électrique me traverser de part en part. En même temps, j’aperçus Claudette, les mains appuyées sur ses deux oreilles, qui me regardait avec des yeux horrifiés et qui semblait pousser un cri de terreur. Je n’entendis toutefois rien de ce hurlement, car il était couvert par une assourdissante déflagration. Je pris finalement et confusément conscience que je venais sans doute d’être foudroyé.

 

Et je perdis connaissance.

 

 

LA SUITE DE CET ACCIDENT NE MANQUE PAS D'INTÉRÊT

MATEO S'EN SORTIRA, BIEN SÛR,

MAIS PAS DE FAÇON "MÉDICALE"

 

 

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08/02/2025
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