Extrait --- 3000 km avec une poussette
PRÉSENTATION DU PROJET
Message à la famille et aux amis # 01
Jour J moins 4
Mercredi soir, le 16 mai 2018
Trois-Rivières (Mauricie, QC) – chez-moi
« 3 000 km avec une poussette », c’est le titre un peu rigolo que j’ai donné à mon projet de voyage de cet été, et je dirai pourquoi dans quelques secondes. Projet dont le départ est d’ailleurs plus qu’imminent puisqu’il commence dans quatre jours, soit officiellement dimanche matin, le 20 mai 2018, dès les premières lueurs de l’aube.
J’attendais juste d’être papy avant d’être sûr de partir et de l’annoncer publiquement. Eh bien, c’est fait : même si elle s’est fait désirer, une minuscule Taureau prénommée Audrey s’est enfin décidée à faire son entrée dans l’univers des vivants voilà à peine quelques heures. Et il était moins une, car mon avion décolle dans trois jours !
La choupette et la maman se portent très bien dans les circonstances, pis le papa, très présent, prend soin de tout son monde. Maintenant que je suis rassuré sur ce front-là, je lève les voiles, comme on dit. Mais pas pour très longtemps, quand même. Et pas avec la petite Audrey non plus, évidemment, même s’il est ici question d’une poussette !
J’ai déjà parlé de ce projet-là à quelques personnes, mais pas à beaucoup, et sans jamais trop insister. Et si j’ai été si discret, c’est parce que je me suis longuement demandé si je le concrétiserais réellement. Et tant que je n’ai pas été sûr à 100 % de partir, j’ai préféré ne pas faire de publicité pour ne pas avoir l’air d’un dégonflé au cas où j’aurais reculé.
Mais là, je crois bien que ça y est. Ça prendrait en tout cas quelque chose de grave pour que ça foire comme ça, à quelques heures du lancement : j’ai rassemblé tout le matos qui me semblait nécessaire, je suis en train de faire mes adieux à mes proches – m’enfin, je fais plutôt mes au revoir, faut pas exagérer –, et il ne me reste plus que quelques menues bricoles à finaliser.
Et où c’est que je m’en vais, comme ça ? L’on aura sans doute remarqué la photo d’en-tête, en haut ? Eh bien, c’est sur cette corniche-là que je marcherai dans moins d’une semaine.
Ben non ! C’est pas vrai pantoute ! Cette image n’a absolument rien à voir avec rien. C’était juste un truc de marketing pour attirer votre attention. Mais maintenant que c’est fait, je ne le ferai plus jamais, promis juré.
La vérité est que je pars en marchant, ça c’est vrai, mais pas pantoute dans ce genre de conditions extrêmes. Je m’en irai plutôt sur des routes asphaltées – en gravelle, au pire –, peinard, cool, comme un piéton lambda moyen. Et avant qu’on me le demande : non, je ne ferai pas le chemin de Compostelle. Mais ce ne sera quand même pas banal.
Je transcris ci-dessous, les questions qui m’ont été posées au cours des dernières semaines par celles et ceux qui étaient dans le secret des dieux et pendant que je me préparais tranquillement pas vite. Ainsi que mes réponses.
◊ ◊ ◊
Tu envisages de marcher pendant combien de temps ?
Environ 4 mois, de la mi-mai jusqu’à la mi-septembre. Du moins, c’est ça que j’ai calculé.
Et tu penses faire combien de kilomètres ?
Aux alentours de 3 000. À tout le moins, c’est ça aussi que j’ai calculé.
De où jusqu’à où ?
À partir de La Nouvelle-Orléans, Louisiane, USA, jusqu’à Montréal, si tout va bien, évidemment. Et en ligne droite. M’enfin, plus ou moins en ligne droite : ça dépendra dans quel sens seront orientées les routes du moment.
De quelle façon ?
Je l’ai dit tout à l’heure : en marchant.
Oui, mais de quelle façon du point de vue de l’hébergement ?
Ah… En camping sauvage. Et je pars avec tout mon matériel sanglé dans une poussette à trois roues que les joggeurs utilisent pour donner des rides à leurs bébés, et qui se convertit éventuellement en chariot de vélo. De là, en passant, le titre de mon projet : « 3 000 km avec une poussette ».
J’ai en effet choisi de transporter mon barda là-dedans plutôt que dans un sac à dos. Je n’ai plus 20 ans, misère…
Le soir venu, je demanderai aux gens si je peux monter ma tente sur leurs propriétés. Et lorsque j’aurai envie de me payer une gâterie, je me louerai un camping traditionnel, ou même un motel de temps en temps.
Tu dois sûrement lui avoir donné un nom à ta poussette ?
Évidemment. Je l’ai baptisée Pout-Pout – prononcez Poutte-Poutte. C’est un nom hermaphrodite : masculin ou féminin, comme on veut. On peut donc dire « ma poussette Pout-Pout » ou « mon chariot Pout-Pout », au choix. Je l’ai appelé(e) comme ça parce que nous irons tous les deux pout-pout, tranquillement pas vite, sur les routes.
Pourquoi La Nouvelle-Orléans, au juste ?
Ça s’est décidé à cause de cette limite de 4 mois que je me suis fixée.
En estimant que je couvrirais à peu près 3 000 km pendant ce temps-là, j’ai ensuite regardé sur Google Maps pour voir quelles grosses villes se situaient à environ 3 000 km d’ici, c’est-à-dire des villes comprenant un aéroport d’envergure pour que je puisse m’y rendre en avion, et m’en faire mon point de départ. Il m’en est apparu quelques-unes : Saskatoon, Denver, Dallas, Houston, La Nouvelle-Orléans et Miami. Parmi elles, j’ai finalement opté pour La Nouvelle-Orléans parce que c’est celle qui faisait la plus exotique dans ma tête.
Et peut-être aussi que j’ai fait ce choix parce que La Nouvelle-Orléans est dans la Louisiane, et que dans la Louisiane, y’a la ville de Lafayette, et que dans la ville de Lafayette, y’a Zacharie Richard, et que Zacharie Richard est dans ma liste de chanteurs préférés, et que l’arbre est dans ses feuilles, maluron, maluré.
Cette dernière raison-là, c’est évidemment n’importe quoi !
Et puis, ça n’a aucune importance tout bien considéré, puisque je ne m’y attarderai pas une minute. Aussitôt à l’extérieur de l’aéroport, zap ! je sortirai de cette ville par le chemin le plus court. De cette façon, et au risque de décevoir ben du monde, il n’y aura aucune visite touristique traditionnelle des lieux.
Pourquoi tu ne fais pas le contraire, c’est-à-dire partir d’ici et terminer à La Nouvelle-Orléans ?
Parce qu’après moult réflexions, j’ai finalement opté pour me débarrasser de l’aspect « avion » au début.
Comment as-tu fait pour évaluer que tu marcherais 3 000 km en 4 mois ?
J’ai procédé selon la logique suivante :
1) une distance moyenne estimée de 30 km par jour ;
2) une moyenne par semaine estimée à 6 jours de marche + 1 jour de repos ;
3) total : 30 km/jour x 6 jours/sem x 18 semaines = 3 240 km ;
4) 3 000 km pour faire un chiffre rond.
Tout cela demeure bien sûr hyper méga théorique au cube Rubik. Mais d’après les récits de voyage de mes héros, et en tenant compte de l’entrainement que je me suis tapé, je crois que ce serait jouable.
Pourquoi marcher – se donner de la misère – comme ça ?
Ouais… Ça, c’est la question qui tue. Ce n’est pas pour une cause humanitaire en tout cas, car je n’en ai aucune. Pour faire simple, disons que ça faisait un bon bout de temps que je voulais relever un défi personnel de ce genre-là afin de sortir de ma zone de confort. Ce sont les lectures de Jean Béliveau (L’homme qui marche), de Bernard Ollivier (Longue marche), de Sarah Marquis (Sauvage par nature), et de quelques autres qui m’ont botté le derrière pour me décider à faire comme eux, mais à une bien plus petite échelle que ces phénomènes-là, on s’entend.
À l’âge où je suis rendu, j’ai considéré que c’était le moment ou jamais de m’y mettre. Dans quelques années, lorsque je troquerai ma poussette pour une marchette, ben il sera trop tard. Et ça ne me tente pas de mourir avec ce regret-là. Ça en fera un de moins, en tout cas.
Pourquoi ne fais-tu pas le fameux chemin de Compostelle, alors ?
Bah, pas besoin d’aller si loin juste pour le plaisir de marcher dans la nature : des belles ‘tites routes de campagne, y’en plein de ce côté-ci de l’Atlantique.
Et si mon voyage devait virer en expérience mystique, ça le fera autant par ici que n’importe où sur la planète. Je ne m’inquiète pas du tout pour cet aspect-là. Le cas échéant, si jamais je ressens le désir de m’entretenir avec Dieu, y’aura plein d’églises sur mon trajet où je pourrai m’arrêter. Les Américains étant très dévots, tous leurs moindres petits villages en contiennent minimalement deux ou trois.
J’imagine que tu t’es entrainé ?
Ben sûr ! Je me suis entrainé à marcher et à courir sur de longues distances. J’ai en effet marché et couru presque tous les jours depuis janvier, beau temps, mauvais temps, haut les cœurs !
De sorte que même si la partie supérieure de mon corps est restée comme d’habitude, j’ai au moins désormais des jambes de béton d’enfer de la mort.
Et lorsque le printemps est enfin arrivé, et que ce projet est devenu de plus en plus sérieux dans ma tête, j’ai fait l’acquisition de mon super chariot Pout-Pout. Chariot que j’ai aussitôt lesté de 30 livres de dumbells – environ 13,5 kilos – et que je me suis habitué à déplacer dans les campagnes alentour de chez moi ; ce qui faisait une poussette avec un tabarnouche de gros bébé pesant dedans !
Après plus de 1700 km de promenade à mon actif, je me sens maintenant en pas pire forme. Et beaucoup de bobos qui devaient se manifester dans mon body l’ont fait, en principe, au cours des derniers mois ; dont la perte de quelques ongles d’orteil, ainsi qu’une série d’ampoules et d’éraflures.
En passant, c’était important, je crois, de souffrir avant le voyage plutôt que pendant, car mon blog – les Maudits Vents – traitent des mots d’Yvan, et non pas des maux d’Yvan. Ha ! J’ai pas pu l’empêcher, celle-là !
Bref, physiquement parlant, je devrais être en mesure de compléter au moins ma première journée sans trop de problèmes. Après ça, ce sera au jour le jour.
Étant donné que tu t’en vas aux États-Unis, do you speak English ?
Juste un peu pour me débrouiller. Et j’avoue que ça me désole pas mal. Déjà que je ne suis pas du tout du style à aller au-devant des gens pour socialiser spontanément, alors cette barrière de la langue ajoutera sûrement à mon isolement. C’est d’ailleurs l’un des aspects de ce trip que j’appréhende. Cela dit, cette marche risque à tout le moins d’être un authentique « voyage intérieur », genre, par la force des choses. Sinon, peut-être que je vaincrai ma gêne et que je reviendrai parfaitement bilingue ! Qui sait ?
Au fait, tu pars seul ?
Oui.
Pourquoi ?
Ben, parce que je n’ai pas trouvé personne pour m’accompagner. En fait, pour dire la vérité, je n’ai même pas cherché. Parmi les gens que je connais, j’étais certain qu’aucun d’entre eux n’aurait ni l’intérêt ni/ou la disponibilité pour entreprendre cette sorte d’escapade un peu particulière. Mais maintenant qu’on en parle, s’il s’avérait que j’avais mésestimé une personne, et que celle-ci désirait tenter le coup, il lui serait possible, j’imagine, de me rejoindre quelque part sur la route, car je n’avancerai pas vite !
C’est la première fois que tu voyageras seul ?
Non, j’ai déjà fait un petit road trip en solo dans l’État de New York voilà quelques années, ainsi qu’un séjour en Amérique du Sud. L’expérience avait été mitigée. Voyager seul avait tout d’abord présenté le gros avantage de faire ce que je voulais, quand je le voulais, et sans rien négocier avec personne. Et ça, c’était vraiment cool. De ce fait, je me rappelle que tout se passait super bien durant le jour. Par contre, lorsque le soir s’installait… Ben le soir, c’était plate en simonac. Et là, ça risque d’être encore pareil.
Vas-tu écrire ton voyage ?
Je vais rédiger mon journal de bord, ça c’est certain. Mais probablement au crayon et dans un carnet papier, et non pas sur l’ordi comme je suis habitué, à cause des contraintes du camping sauvage.
C’est également mon intention d’en retranscrire les parties intéressantes sur mon blog sous forme de chroniques, mais je ne sais pas trop comment je vais m’y prendre. C’est sûr que j’aurai quelquefois accès à Internet sur mon chemin, mais produire un article au propre sur le blog demande pas mal de temps, et je n’en aurai sans doute pas beaucoup à ma disposition.
Au mieux, je ferai paraitre une chronique de façon plus ou moins régulière. Au pire, je ferai tout ça à tête reposée une fois revenu dans mon salon dans quatre mois. Tout est possible. Et c’est d’ailleurs ce que je ferai : mon possible.
Comment saurons-nous si tu déposes quelque chose sur ton blog ?
J’aviserai mes abonnés par le biais d’infolettres. Pour ceux qui ne sont pas membres, juste à jeter un coup d’œil sur la page d’accueil des Maudits Vents de temps en temps, ou sur mon Facebook.
Et au fait, je m’adresse ici à ceux qui ne sont toujours pas inscrits sur mon blog : voulez-vous bien me dire ce que vous attendez pour prendre une minute de votre temps et remplir le petit formulaire d’adhésion, ce qui ferait enfin de vous un(e) membre de mon super fan-club de groupies en délire ?
Es-tu déterminé à te rendre jusqu’au bout de ce projet coûte que coûte ?
Je suis déterminé à faire mon possible, oui. Mais je ne veux pas me mettre de la pression avec ça au point de perdre le peu de cheveux que j’ai encore sur le crâne. Je n’abandonnerai pas à la moindre contrariété, mais si je me rends compte que ça ne fonctionne vraiment pas pantoute pour une raison ou pour une autre, alors ça va être go back home by bus, pis on passera au prochain appel.
Et si ça devait se produire, je serai évidemment très déçu, mais je n’en ferai pas une dépression non plus.
◊ ◊ ◊
Bon, voilà, j’arrête ça là pour tout de suite, OK ? Il me reste quelques trucs à régler avant de partir. Et pis, faut aussi que j’aille voir la binette de ma petite Audrey avant d’entreprendre cette aventure ! Mais je réécrirai sans doute un autre mot juste avant de prendre l’avion – c’est très très bientôt, ça ! –, histoire au moins de dire au revoir.
Bonnes vacances à tous, et au plaisir de vous lire de n’importe quel univers grâce à la merveilleuse technologie moderne !
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